Yves Winkin : « Eléments pour un procès de la P.N.L. », MédiAnalyses, no. 7, septembre, 1990, pp. 43-50.
Autant annoncer la couleur d'emblée : la P.N.L. m'irrite au plus haut point. C'est l'exploration des sources de mon irritation que je vais entreprendre ici, en essayant de cerner tout d'abord les sources émotionnelles pour remonter ensuite vers les sources plus intellectuelles. Je sens confusément que la P.N.L, est une fraude intellectuelle, une exploitation de la confiance, une manipulation des idées et des hommes. Mais je dois armer mon intuition, à la fois en faisant remonter mes préjugés à la surface et en analysant le discours de la P.N.L., tel qu'il se livre dans divers ouvrages parus ces dernières années en France.
Je vais tout d'abord tenter d'expliciter
Première question : comment peut-on prendre au sérieux une pensée qui amène ses adeptes à marcher sur le feu ? Au cours des derniers mois, des annonces publicitaires sont apparues dans le
quotidien bruxellois
de poursuivre : "Le fameux séminaire de Programmation Neurolinguistique, 'The Mind Revolution',
d'après Anthony Robbins est en tournée en Europe [...]. Le séminaire sera dirigé par le `top-trainer'
Emile Ratelbandl
Ratelband en grrrande tournée européenne...". Mais pas d'ironie trop facile. Après tout, Anthony
Robbins existe, écrit des livres
marche bien sur les braises (comme le montre sa photo en page 4 de couverture : pantalons.
retroussés et air décidé). II faut donc examiner brièvement la P.N.L. de Robbins, qu'il présente comme
la "physique nucléaire de l'esprit"
a priori en posant plusieurs questions.Le Soir pour "La marche vers le mieux-être via celle sur des braises" ! Et le texte1. On croirait lire l'affiche d'un spectacle de cirque : "le célèbre dresseur d'animaux(Pouvoir illimité est sorti chez Robert Laffont en janvier 1989) etDe même que la physique traite de la structure de la matière, la P.N.L. traite de la
structure de l'esprit. Elle permet d'en décomposer la matière en ses éléments
L'ouvrage n'est pas précisément un traité de physique. II s'agit plutôt d'un livre d'exhortations à la
confiance en soi (exemple : "L'une des plus grandes limites que rencontrent les êtres humains, c'est
la peur de l'échec", une phrase qui semble extraite d'un vieux numéro du
test ultime est la marche sur le feu. A la recherche des secrets de la réussite personnelle, A. Robbins
2 .Reader's Digest), dont le1
Le Soir, 17 et 18 mars 1990, p. 20.2
A. ROBBINS, Pouvoir illimité, Ed. R. Laffont, 1989, p.154.
a découvert la P.N.L., qu'il présente comme une "science" quasi occulte
par lequel "certaines personnes réussissent à obtenir ce que j'ai appelé les résultats optimaux" (p.
43). Bandler et Grinder sont présentés comme "deux génies" dont la réussite est "légendaire" (p. 45).
Mais la P.N.L. semble essentiellement avoir le rôle d'une garantie "scientifique" de ses conseils
d'hygiène mentale et alimentaire. Bref, la P.N.L. de Robbins n'est sans doute pas la référence
canonique en la matière. Considérons-la plutôt comme une déviation isolée, quelque peu folklorique.
Si nous nous tournons vers des références plus centrales, nous pouvons soit suivre des
séminaires de P.N.L., soit lire les ouvrages existants. Examinons d'abord les invitations à participer à
des séminaires. Une deuxième question surgit tout de suite : comment peut-on prendre au sérieux
une pensée dont les adeptes semblent évoluer dans les eaux troubles du "New Age" ? Soit
l'annonce suivante, parue dans
1 qui livre la clef du mystèreLibération le 9 mars 1990 sous la rubrique "Gri-Gri"[...] Médium. Voyant (pendule, tarot) Magnétiseur. Sophologue. P.N.L. Reçoit à son cabinet
de Bastille. Donne cours : initiation au tarot divinatoire, ésotérisme, visualisation créatrice,
psychodynamique Alpha. Conférences sur les médecines holistiques, stages week-end,
cours du soir. Tél. pour RDV ou renseignements:
Mais peut-être ne faut-il pas faire attention à ces zélateurs indignes et ne considérer que les "Maîtres
Praticiens certifiés". Car, chose intrigante, il n'est pas une annonce de séminaire de P.N.L. qui ne
présente ses organisateurs comme de hautes autorités en la matière :
[...]Animation : N. - Maître Praticien certifié par le New York lnstitute
[titre répété trois fois sur la même page]. '
Venez découvrir ou approfondir les outils de la Programmation Neuro Linguistique.
L'équipe de -, en étroite collaboration avec l'Institut NewYorkais de P.N.L., vous offre des
stages initiation, formation avancée et Praticien...
Psychologues,
numéro est également une annonce de séminaires de P.N.L.]
[Annonce parue dans le Journal desno 73; décembre 1989 janvier 1990, p. 65 ; la page 4 de couverture duLa formation de Maître Praticien en P.N.L. (certifié par le Potamac Insfitute de
Washington) comporte deux niveaux [...]
D'où une troisième question : comment peut-on prendre au sérieux une pensée qui est constamment
obligée de souligner la légitimité de ses enseignants ? On se croirait revenu au temps des «savants
docteurs de la Sorbonne"...
La littérature de présentation dès séminaires de P.N.L. fourmille d'indices qui confirment cette
ambiguïté de statut. Toutes les définitions de la P.N.L. offrent ainsi un amalgame de références
savantes et demi-savantes apparemment destinées à renforcer l'impression de scientificité. Le ton
est à la fois très révérencieux à l'égard de l'univers scientifique et rassurant à l'égard du lecteur qu'il
ne faut sans doute pas effrayer
Le génie de ces deux auteurs (il s'agit de Bandler et Grinder) a été de systématiser toutes
les notions découvertes en modèles pratiques, faciles à apprendre et à enseigner. En
effet, bien que fondée sur des notions savantes très récentes (neuro-psychologie,
cybernétique et linguistique), la technologie P.N.L. est claire et simple.
Similairement, lorsqu'on examine l'environnement dans lequel apparaissent les annonces de
séminaires de P.N.L., même les plus "certifiés", on se retrouve immanquablement dans l'anthologie
baroque des thérapies non conventionnelles - ce qui ne manque pas de confirmer encore l'ambiguïté
du statut de la P.N.L.
Ainsi
décembre 1989 - janvier 1990, on peut repérer les modes d'intervention suivants :
- sophrologie : 6 - art
- relaxologie :1 - P.N.L. : 3
, à la simple lecture des deux pages de "petites annonces" du Journal des Psychologues de-thérapie : 31
"Dans le passé, cette science était surtout enseignée aux thérapeutes et à un petit nombre de cadres supérieurs triés sur le volet". Ibid., p. 43.. - morphopsychologie biodynamique : 1 - systémique : 2
- méditation : 1 - somatothérapie : 1
- psychanalyse: 2 - hypnose : 1
- relaxation psychanalytique : 2 -tai-chi :1
- écoute et parole :1
Sur la base de ces exemples, il me serait donc aisé de rejeter la P.N.L., sans autre forme de procès,
dans les marges de l'obscurantisme contemporain. Pourquoi perdre mon temps à en dénoncer les
naïves prétentions à la scientificité ? II suffirait, en universitaire assuré de sa légitimité, de la mépriser
souverainement : ce serait déjà faire trop d'honneur à la P.N.L. que lui consacrer les présentes
pages. Après tout, est-ce qu'un astronome passe encore son temps aujourd'hui à combattre
l'astrologie ?
Le problème est malheureusement plus complexe. Lorsque d'aimables praticiens de la P.N.L. offrent
d'aimables séminaires à d'aimables curieux, il n'y a pas de quoi fouetter un chat. La P.N.L. est alors
aussi innocente que la "relaxologie" ou la "morphopsychologie biodynamique" des petites annonces
du
tableaux, lorsque des praticiens veulent se donner des lettres et commencent à confondre les
travaux théoriques de Bateson ou Chomsky avec les extrapolations prescriptives de Bandler et
Grinder, lorsque des consultants en ressources humaines présentent la P.N.L. aux entreprises
comme une technique scientifique de changement et d'innovation, alors j'estime que c'est mon droit,
sinon mon devoir, de chercheur scientifique de réagir. Et pas à fleurets mouchetés. Parce que ces
confusions sont pernicieuses. Il y a fraude intellectuelle lorsque, profitant de la crédulité ou du
manque de formation spécifique de leurs interlocuteurs, les chirologues, morphopsychologues et
autres physiognomonistes vendent leur discours comme de la connaissance scientifique. II en est de
même pour la P.N.L. Tant qu'elle se présente comme "magie", les chercheurs en sciences humaines
n'ont rien à lui dire. Lorsqu'elle déclare prendre le risque "de sortir des sentiers battus par les théories
explicatives du comportement humain pour privilégier des grilles d'analyses plus scientifiques
P.N.L. revendique clairement un statut au sein des sciences du comportement. Interpellant les
chercheurs, elle les invite à la juger sur pièces. II faut donc examiner les ouvrages de P.N.L. d'un
point de vue scientifique. Je me limiterai à trois livres récents
neuro-linguistique
P.N.L.
Barrère (Paris, ESF, 1986 - 1ère éd., 1989 - 4e éd.).
La lecture en parallèle de ces trois ouvrages fait très rapidement apparaitre une caractéristique du
discours P.N.L. : l'univers scientifique est régulièrement évoqué à travers des noms et des titres
célèbres, mais l'attitude générale n'est pas celle de la recherche, du questionnement, de l'évaluation
critique. C'est celle de l'application claire, concrète, rapide sur la base des "découvertes" de la
Science. Le passage de la découverte à l'application est d'une évidence enchantée :
1/ Tout un chacun fait de la science sans le savoir :
Journal des Psychologues. Mais lorsque des universitaires se mettent à jouer sur les deux1", la2 : Derrière la magie. La programmationd'Alain Cayrol et Josiane de Saint Paul (Paris, InterEditions, 1989), Comprendre lade Catherine Cudicio (Paris, Ed. d'Organisation, 1986) et La P.N.L. d'Alain Cayrol et PatrickExemple
langage et de même, lorsque cette organisation n'est pas respectée, nous nous en
rendons compte intuitivement, comme nous savons respirer même si nous ignorons les
mécanismes de la respiration". (Cayrol et Saint Paul, 1989, p. 119).
2/ Les chercheurs découvrent ces trésors cachés et les exposent au grand jour
: "Nous utilisons [...] inconsciemment certaines règles linguistiques pour organiser notreExemple
ces règles et ils en ont fait l'objet de leur discipline, la grammaire générative
: "Plusieurs chercheurs ont consacré leurs travaux à la découverte et à l'explicitation de1
A. CAYROL, J. de SAINT PAUL,
Derrière la magie. La programmation neuro-linguistique. Paris, InterEditions, 1989, p. 242
Les ouvrages de D. Bandler et J. Grinder n'étant pas disponibles en langue française (à l'exception d'une édition canadienne de Frogs into Princes,devenu
marché en librairie, sans commander d'ouvrages aux Etats-Unis.
Les secrets de la communication), je me suis placé dans la position d'un lecteur francophone qui veut s'informer sur la P.N.L. et fait sontransformationnelle. Elle vit le jour au milieu des années cinquante avec les travaux de
Noam Chomsky ; par la suite, avec l'aide d'autres transformationnalistes, celui-ci mit au
point une méthodologie très élaborée et un ensemble de modèles formels qui permettent
d'appréhender les structures que nous employons pour générer notre langage".
(Idem).3/ D'autres exploitent ces trésors et en font profiter chacun. La P.N.L. est ainsi un de ces trésors
scientifiques transformés en une série d'"outils", de "techniques", sinon de "technologies".
Exemple
linguiste, est co-auteur d'un classique américain sur la grammaire générative
transformationnelle) et en ont tiré une application pratique
: "Grinder et Bandler ont repris les travaux des transformationnalistes (Grinder, lui-même1.A partir de ce cadre théorique, ils ont étudié la communication verbale telle qu'elle prend
place en thérapie et ils ont créé un ensemble d'outils linguistiques, le métamodèle, qui
permet au thérapeute et au communicateur d'être précis dans leur usage du langage".
(Idem, p.
C'est à ce stade que les opérations deviennent franchement critiquables d'un point de vue
scientifique. Les auteurs expliquent que le thérapeute va "reconnaître les transformations auxquelles
a procédé la personne pour passer de la structure profonde [...] à la structure de surface"
122-23).(idem, p.123). Trois expressions fétiches de la première grammaire générative sont exhibées
("transformations", "structure profonde" et "structure de surface") mais totalement détournées de
leur sens : d'opérations purement syntaxiques, les transformations deviennent des opérations
pragmatiques
énoncé. Les douze catégories du "méta-modèle" de Bandler et Grinder doivent permettre au
thérapeute de reconstituer les inférences du patient et d'accéder à son "expérience primaire". Une
démarche qui n'est pas contestable : c'est celle de toute thérapie verbale, de la
P.N.L. Ce qui l'est plus, c'est le détour par Chomsky, dont les théories n'ont rien à voir avec le
discours thérapeutique.
Qu'on me comprenne bien : si un thérapeute obtient des résultats gràce au "méta-modèle" de Bandler
et Grinder-tant mieux ; je serai le dernier à le contester. Je ne m'insurge contre la P.N.L. qu'au moment
où elle se donne un fondement scientifique soit en invoquant un nom ou une théorie comme on vient
de le voir, soit en avançant des chiffres ou des explications sans les argumenter. C'est alors qu'il y a
détournement. Prenons deux autres exemples, qui me permettront de préciser ce que je veux dire.
La P.N.L. fait apparemment grand cas du "quadruplé VAKO", signifiant Visuel, Kinesthésique, Auditif
et Olfactif/gustatif
représentations qui en découlent reposent sur les cinq sens : rien de très nouveau dans cette
proposition. Par l'adjonction d'indices, le "système VAKO" donne l'impression d'une mathématisation
savante (par exemple : "V
innocent. Ce qui est beaucoup plus irritant, c'est voir la P.N.L. retomber dans les tentations anciennes
d'une typologie universelle, (cette fois fondée sur le mode de perception privilégié par les individus) et
lancer des chiffres pour l'étayer : "D'après Grinder et Bandler, 40% des gens environ seraient
d'abord des visuels, 40% des auditifs, et 20% des kinesthésiques
Aucune source, aucune discussion. C'est comme ça. Et on continue.
2. Les auteurs évoquent en fait le travail d’enchassement des présuppositions de touttalking cure à la3. II s'agit en fait de rappeler que la perception du monde extérieur et lese Ae Ke Oi", e signifiant "externe" et i, "interne " Mais tout cela reste très4". D'où sortent ces chiffres ?1
L'autorité scientifique de Grinder est confirmée : son livre est un "classique" (il s'agit en fait d'un manuel scolaire).2
La présentation du "métamodèle" (cette fois sans tiret) par Catherine Cudicio s'embarrasse encore moins de subtilités théoriques:: "Si je dis
'Martin a acheté une voiture', c'est une structure superficielle, la structure profonde correspondante pourrait etre 'Martin a acheté à quelqu'un, tel jour,
à tel endroit, une voiture de telle sorte contre une certaine somme d'argent'"
neuro-linguistique
"théorique" ?
(Comprendre la P.N.L., op. cit., p. 51). Dans La programmationd'A. Cayrol et P. Barrère aux Editions ESF ("manuels Mucchielli"), toute référence à Chomsky et au méta-modèle a disparu. Trop3
Remarquons qu'il eût suffi de placer ces lettres dans un autre ordre pour obtenir, par exemple, KAVO
eût été tout autre...
ou AKOV. L'effet phonique, sinon sémantique,4
A. CAYROL et J. de SAINT PAUL, Derrière
la magie[...], op. ciL, p. 52On ne pouvait pas ne pas tomber sur la communication non verbale. C'est le mode de communication
favori de toutes les thérapies alternatives. La P.N.L. y recourt, bien sûr, mais - et c'est tout à son
honneur - met l'observateur en garde contre toute interprétation "selon des catégories pré-établies" et
précise : "Ce n'est donc pas une démarche du type `analyse du langage du corps'
vient cependant à lire dans les yeux, en ce sens que ses auteurs affirment que la position de l'oeil
dans l'orbite permet à l'observateur de classer les pensées de son interlocuteur dans une des
catégories du "système VAKO
Bandler, bien sûr, que Cayrol et Saint Paul citent longuement à ce propos :
1". La P.N.L. en2". D'où cette affirmation sort-elle ? Des "découvertes" de Grinder etLes voies neurologiques correspondant au côté gauche des deux yeux - le champ visuel
gauche - sont représentées dans l'hémisphère cérébral droit (non dominant). Le
déplacement des yeux en haut et à gauche est le moyen le plus fréquemment employé
pour stimuler cet hémisphère cérébral de façon à accéder à une mémoire visuelle.
Inversément, les mouvements d'yeux en haut et à droite stimulent l'hémisphère cérébral
gauche et les images construites, c'est-à-dire des représentations visuelles de choses
que la personne n'avait jamais vues avant. Développer votre capacité à détecter le
système de représentation qu'une personne valorise le plus vous donnera accès à un outil
extrêmement puissant dans le domaine de la communication hypnotique efficace (ou non
hypnotique)
3.Faut-il insister sur le fait qu'aucun neurophysiologiste ne pourrait souscrire à cette explication ?
L'hypothèse des "deux cerveaux" (d'ailleurs présentée comme un fait acquis, p. 86-87) a fait une
carrière étonnante dans la science populaire contemporaine. On peut sans doute y voir une forme
actualisée de phrénologie (dont le succès fut extraordinaire aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne au
19e siècle)
Dans l'expression même de "Programmation Neuro-Linguistique", il y a "Neuro" et "Linguistique". Or
les références neurologiques et linguistiques de la P.N.L., nous venons de le voir, sont fort
douteuses. S'il en faut encore une confirmation, il suffit de lire les explications fournies par nos
auteurs.
4.Le terme neuro se réfère à nos perceptions sensorielles qui déterminent notre état
intérieur à la fois au sens propre c'est-à-dire neurologique, et au sens figuré, c'est-à-dire
notre état émotionnel subjectif. Le terme linguistique se réfère aux moyens de la
communication humaine, c'est-à-dire le comportement verbal et non verbal; il est à
rattacher au comportement extérieur que nous manifestons pour communiquer.
C. Cudicio,
Neuro,
neurologique. C'est parce que nous possédons un cerveau et un système nerveux que
nous sommes capables de percevoir notre environnement, de penser et de ressentir, de
sélectionner des comportements, etc. Les procédures de travail de la P.N.L. agissent
directement sur cette organisation neurologique. […]
Linguistique, parce que le langage structure et reflète la façon dont nous pensons. Le
discours d'une personne est riche en informations sur la manière dont celle-ci construit
Comprendre la P.N.L., op. cit. , p. 13.parce que cette capacité de nous programmer repose sur notre activité1
interprétation sont considérées comme excessivement simplificatrices par la P.N.L. En effet,
hautement idiosyncrétiques
sera associé à une attitude de méfiance, un autre les croisera au contraire lorsqu'il se sent à l'aise" (p.
A. CAYROL et P. BARRERE, La P.N.L., op. cit., p. 22. Citons encore ceci : "Toutes les approches se réclamant d'un langage du corps et de sonnos communications non-verbales sont[sic ;les auteurs veulent sans doute dire idiosyncrasiquesj et, par exemple, alors que, pour l'un croiser les bras22).2
qui tournent dans tous les sens...
C'est ainsi que la partie "Applications pratiques" du manuel tâte-bâche de Cayrol et Barrère comporte plusieurs pages de figures aux yeux ronds3
A. CAYROL et J. de SAINT PAUL, Derrière la magie[...], op. cit., p. 68.4
Cf. R. COOTER, The Cultural Meaning of Popular Science. Phrenology and the Organization of Consent in Nineteenth-Century Qritain,Cambridge, Cambridge U. Press, 1984. II faudrait tenter de faire la généalogie intellectuelle de mouvements tel que la P.N.L. Si la mise en
parallèle entre idées du 19e et idées du 20e siècle est relativement aisée, il est par contre difficile d'établir avec certitude les "chaînons"
permettant de passer d'un siècle à l'autre (Cf, Y. WINKIN
WINKIN, éds.,
, "'La communication non verbale' ou la physiognomonie légitime", in Ph. Dusols, Y.Rhétoriques du corps, Bruxelles, De Boeck, 1988, p. 77-98).son expérience du monde. En empruntant à la linguistique, Grindler et Bandler ont étudié
les relations entre langage et pensée et ont transposé ces connaissances dans le
domaine pratique de la communication. lis ont également étendu ces notions à l'étude du
langage non verbal.
A. Cayrol et J. de Saint Paul,
En fait, les définitions sont tellement vagues qu'elles ne sont même pas fausses (tout en n'ayant
aucune valeur scientifique). Deux entraîneurs sportifs – appelons-les Grander et Bindler - pourraient
sur le même modèle créer la "programmation cardio-musculaire"
nous possédons un coeur et un système cardiaque que nous sommes capables d'évoluer dans notre
environnement, de respirer et de dormir, de produire des comportements, etc : Les procédures de
travail de la PCM agissent directement sur cette organisation cardiaque.
musculature structure et reflète la façon dont nous agissons. Les mouvements d'une personne sont
riches en informations sur la manière dont celle-ci construit son rapport au monde. En empruntant à la
gymnastique, Grander et Bindler ont étudié les relations entre mouvements et pensée et ont
transposé ces connaissances dans le domaine pratique de la compétition. Ils ont également étendu
ces notions à l'étude du langage non verbal.
C'est un peu facile, je le reconnais. Mais cette transposition fait apparaître clairement une
caractéristique essentielle de la P.N.L. : c'est de la connaissance de sens commun, tirée d'un fonds
populaire, qui se donne des apparences de connaissance scientifique. C'est ce déguisement que
j'appelle fraude intellectuelle. Et il y a manipulation quand la P.N.L. est offerte (plutôt vendue, et
chèrement) à des apprentis praticiens qui ne disposent pas des ressources scientifiques et critiques
nécessaires à ce démasquage. Il y a scandale quand ces mêmes apprentis, devenus praticiens
"certifiés", ont la responsabilité thérapeutique de personnes psychologiquement fragiles, prêtes à
faire confiance au premier psy' venu.
La même usurpation se produit à propos de
premier coup d'oeil, il n'y a qu'un emprunt, non reconnu mais relativement fidèle, aux notions de
D.,,rrière la magie [...], op. cit., p. 25.(PCM) : Cardio : c'est parce queMusculaire : parce que laprogrammation que je n'ai pas encore examinée. Auplan,de
Programmation,
mettant en place des façons de penser, de ressentir et de nous comporter que nous
employons dans les multiples situations de notre vie. Si nous établissons l'analogie avec
l'informatique, le matériel (hardware) est le même : nous avons tous un cerveau et un
système nerveux. Ce qui change, ce sont les programmes (software) dont nous disposons
pour nous servir de ce matériel
schéma ou de carte développées dans les années 50.parce que, tout au long de notre existence, nous nous programmons en1.Si ce n'était l'analogie avec l'informatique, on croirait retrouver la définition de fin 1965 offerte par le
psychiatre américain Albert Scheflen
Après avoir examiné suffisamment d'exemples de la même structure comportementale
dans un type donné d'interaction de la même catégorie culturelle, je peux reconstruire une
carte ou programme de cette interaction. Ce plan représente la manière dont les
participants ont probablement appris à exécuter cette intervention
2..C'est l'époque où les milieux psychologiques et psychiatriques d'avant-garde sont fascinés par la
cybernétique et la théorie générale des systèmes. Dès 1951, Gregory Bateson et Jurgen Ruesch ont
proposé une lecture "systémique" des relations interpersonnelles dans
Matrix of Psychiatry
quelques années plus tard une interprétation "cognitiviste" (avant la lettre) du comportement dans
Communication : The Social3. Dans une veine plus psychologique, Miller, Galanter et Pribram proposent1
A. CAYROL
et J. de SAINT PAUL, Derrière la magie (...J, op. cit., p. 25.2
A. SCHEFLEN,
"Systèmes de la communication humaine", in Y. WINKIN, éd., La nouvelle communication, Paris, Seuil, 1984, p. 145-157.3
G. BATESON/J. RUESCH,
Paris, Ed. du
Communication : The Social Matrix of Psychiatry, New York, Norton, 1951. Trad. fr. : Communication et société,Seuil, 1988.Plans and the Structure
chercheurs tentent de formuler à propos du comportement humain des hypothèses interprétatives
ou intégratives. C'est ainsi que Scheflen essaie de systématiser les masses de données qu'il a
obtenues par microanalyse d'une session de psychothérapie
Surgit ici la différence essentielle avec la P.N.L. Les théoriciens des années 50-60 disaient : "Le
comportement est probablement structuré en séquences" ; la P.N.L. décide non seulement qu'il en
est bien ainsi ("le comportement humain est organisé en automatismes") mais encore qu'il faut
prescrire de nouveaux programmes à titre thérapeutique. Ce n'est pas qu'il soit faux que le
comportement soit fondé sur des automatismes - du moins pour certaines catégories de gestes et de
mouvements (l'éthologie humaine l’a bien montré ces dernières années). C'est une question de
démarche épistémologique : la P.N.L. passe sans sourciller de l'hypothèse au fait et du fait à sa
prescription.
La même désinvolture se retrouve dans l'emploi de la "synchronisation", définie comme "le processus
par lequel on peut établir et maintenir le contact avec une personne, à la fois au niveau conscient et
au niveau inconscient
milliers d'images une structure qu'ils ont appelée "synchronie interactionnelle
dans certaines circonstances précises, certains interactants (tout particulièrement les parents et
leurs très jeunes enfants) pouvaient entrer en rythme de phase - sans en faire d'interprétation
psychologique. Leur attitude a été celle d'hommes de recherche : mesurée, prudente, responsable.
La P.N.L. se fonde par contre sur la simple expérience commune pour tirer des conclusions
générales :
".
café, on peut aisément savoir qui est en contact avec qui en regardant les attitudes
corporelles de chacun. Si elles sont très dissemblables, on peut supposer que le rapport
n'est pas très bon. Par contre, des postures, des attitudes, des expressions similaires
seront la manifestation d'une synchronisation inconsciente des partenaires
II faut souligner l'expression "on peut supposer", parce qu'elle sera vite évacuée quand il s'agira de
passer aux actes : pour obtenir "un contact puissant" avec l'autre, il suffit de "se synchroniser sur
les comportements qui échappent à son attention
on passe de l'observation particulière à l'énoncé général et de celui-ci à la prescription sans aucune
précaution. Sans doute, dans le cas de la synchronisation comme dans celui de la programmation, la
P.N.L. ne fait pas explicitement appel aux chercheurs qui ont mené les travaux fondateurs; il n'y a
donc pas de détournement de sens comme dans le cas de Chomsky et de la grammaire générative
transformationnelle. Seuls quelques exemples cliniques empruntés à Milton Erickson sont utilisés,
ainsi qu'une inévitable explication en termes de "cerveau droit" (c'est celui "qui permet à chacun de
nous de sentir intuitivement si le 'courant passe' avec quelqu'un
insouciance se manifeste dans chaque cas.
En fait, ce qui frappe - et irrite - le plus le lecteur rompu au discours scientifique, c'est le ton P.N.L. :
confiant, assuré, souverain. Pas l'ombre d'une hésitation ou d'une humilité : la vérité est du côté de la
P.N.L. et qui la pratique se garantit des lendemains qui chantent. Une dernière citation
of Behavior1, que Scheflen cite à plusieurs reprises dans son texte. Ces2.3". Quand Condon, Kendon et d'autres chercheurs ont dégagé de l'analyse de4", ils ont suggéré que,Lorsqu'on observe deux ou plusieurs personnes dans un lieu public, un restaurant ou un5".6". C'est une démarche intellectuelle irresponsable :7"). Mais la même inconscience ou1
d'ailleurs dans l'ouvrage de Cayrol et Saint Paul à propos des limites de la perception consciente (p. 54).
G. MILLER, E. GALANTER, K. PRIBRAM, Plans and the Structure of Behavior, New York, Hoft, 1960. Le nom de George Miller ressurgit2
Cf.
A. SCHEFLEN, Communicational Structure : Analysis of a Psychotherapy Transaction, Bloomington, Indiana University Press, 1973.3
A. CAYROL
et J. de SAINT PAUL, Derrière la magie[...], op. cit., p. 84.4
Pour une histoire de l'émergence de la notion de synchronie interactionnelle, voir J. Y. LAFFINEUR, "La synchronie interactionnelle : repérages",
Les Cahiers de psychologie sociale,
n° 29 ; 1986, p. 11-27.5
A. CAYROL et J. de SAINT PAUL,
ibid., p. 84-85.6
Ibid., p. 85.
7
Ibid., p. 85.
A la différence de la plupart des autres approches de la personnalité, la P.N. L. ne
s'intéresse pas beaucoup aux contenus et à l'analyse de leur signification. Ses auteurs
ont préféré couper à travers l'inextricable complexité de leur étude, qui remplit déjà des
milliers de volumes de psychologie, de psychiatrie et de philosophie pour intervenir
directement à un niveau logique différent: celui qui traite de la façon dont ces contenus
sont codés et organisés
1 .La naïveté mégalomane de ces propos disqualifie évidemment leurs auteurs - du moins dans l'arène
scientifique. On peut par contre avancer qu'il s'agit bien d'un discours prophétique : la P.N.L. relève
in fine
du phénomène religieux. II est normal qu'on la persécute.1
A. CAYROL et J. de SAINT PAUL,
ibid., p. 50.Commentaires :
Peut être qu'effectivement, le discours PNL sème un peu la confusion et qu'il n'est scientifiquement pas toujours suffisamment fondé. On pourrait d'ailleurs loger à la même enseigne la psychanalyse, qui en plus d'être mal fondée, ne tente jamais aucune application pratique de ses concepts, ni aucune recherche de résultats (cf, pour lecture à ce sujet, le livre noir de la psychanalyse)
Certainement que le cognitivo-comportementalisme est mieux fondé scientifiquement, mais il faut laisser à la PNL cet esprit pratique ou l'on tente l'obtention de résultats. C'est assez rare, dans ces domaines, pour qu'on le souligne. Effectivement, dans toutes démarches PNL les objectifs sont habituellement définis ce qui rend la PNL plus facilement évaluable.
Aussi, quand bien même la PNL tenterait de se vendre avec un discours parfois un peu fantaisiste, il faut lui laisser l'intérêt de cette rigueur.
Obtient-elle des résultats, est à mon avis, la vraie question.
Il me semble que oui. Pas de miracle, mais il me semble que oui.